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AOUST l590. 79
donnai à ce pauvre homme, avec une piece d'argent : Dieu s'estant voulu servir de moi en cest endroit pour possible lui sauver la vie, ou dumoins l'alonger : comme j'eusse fait de bon cœur à son enfant, si Dieu me l'eust plus tost adressé; mais quand il vinst à ma porte, le pauvre enfant jettoit les derniers sanglots.
Le jeudi 16 aoust 1690, fust publié à Paris qu'il estoit permis à toutes personnes de sortir la ville : car la famine estoit tellement renforcée et la necessité accrue, que le pain fait des os de nos peres, qu'on apeloit ici le pain de madame de Montpensier pour ce qu'elle en exaltoit partout l'invention ( sans toutefois en vouloir taster), commençoit d'estre en usage; mais lequel toutefois ne dura gueres : car ceux qui en mangeoient en mouroient : comme aussi il avoit esté fait pour cela, selon le dire de beaucoup. On m'en donna un morceau que je gardai longtemps, et jusques à la treufve, que je le donnai à un mien ami de Tours'qui me vinst voir.
Ce jour, un de mes amis, homme docte et fort aisé, me vinst voir chez moi pour me demander du pain, me disant qu'il mouroit de faim, et qu'il y avoit quatre jours que son pain d'avoine lui estoit failli. Je l'en aidai de ce que je peu; et scachant que j'aimois la poésie, me donna des sonnets qu'il avoit composés sur ce subject.
Le jour mesme, il m'envoya un escrit satirique qui couroit sous main à Paris, fait contre les prédicateurs et prescheurs de famine : comme si la religion eust consisté à mourir de faim. U estoit intitulé VAnti-Da-moclesy et contenoit environ deux feuillets d'escriture à la main que je copiai ; et se trouvera escrit dans mes livres de recueils.
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